Pour les non-initiés, les termes "à but lucratif" et "à but non lucratif" peuvent sembler proches… Mais ils désignent en réalité deux types d’organisations bien différents. Et quand il s’agit de créer une entreprise ou une association, mieux vaut comprendre ce qui les distingue.
Statut fiscal, gouvernance, finalité du projet : tout change selon que vous choisissez un modèle lucratif ou non lucratif. Voici comment démêler ces termes et choisir la structure organisationnelle adéquate pour votre entreprise.
Qu'est-ce qu'une organisation à but non lucratif ?
Une organisation à but non lucratif a pour vocation de servir l’intérêt général ou collectif. Elle peut œuvrer dans des domaines très variés comme l’éducation, la solidarité, la recherche ou encore la protection animale. Contrairement à une entreprise classique, elle ne vise pas la redistribution de bénéfices à des actionnaires : les excédents éventuels sont entièrement réinvestis dans ses actions.
En France, ce type de structure peut bénéficier d’avantages fiscaux, comme une exonération d’impôt sur les sociétés ou de taxe foncière, sous certaines conditions. En contrepartie, elle doit faire preuve de transparence sur la gestion de ses fonds, notamment si elle perçoit des subventions ou des dons.
Les organisations à but non lucratif peuvent prendre plusieurs formes : associations loi 1901, fondations, établissements d’enseignement, structures cultuelles, etc. Bien qu’elles puissent gérer des budgets importants ou solliciter des financements, leur objectif premier reste la poursuite d’une mission sociale ou culturelle, et non la recherche de profit.
Qu'est-ce qu'une organisation à but lucratif ?
Une organisation à but lucratif a pour objectif principal de générer des profits. Qu’elle vende des produits, propose des services ou développe des solutions utiles, sa finalité est économique : les bénéfices peuvent être redistribués aux fondateurs, aux associés ou aux actionnaires en contrepartie de leur investissement et de leur implication.
La grande majorité des entreprises commerciales — y compris les boutiques en ligne, les activités en gros ou la vente sur les marketplaces — relèvent de ce modèle. Elles paient des impôts sur leurs bénéfices et sont la propriété d’individus ou de sociétés qui peuvent réinvestir les gains dans l’activité ou les percevoir à titre de revenus.
Créer une entreprise à but lucratif permet donc de développer une activité économique librement, avec la possibilité de faire croître ses revenus en fonction des résultats obtenus.
Organisation à but non lucratif VS à but lucratif
Ces deux types de structures poursuivent des objectifs très différents, ce qui influence leur fiscalité, leur fonctionnement et leur finalité. Voici un comparatif pour y voir plus clair.
Objectif & Mission
Ce qui les différencie
C’est là que réside la principale différence.
Une organisation à but non lucratif vise à faire avancer une cause sociale, éducative, culturelle ou environnementale. Elle agit dans l’intérêt général ou collectif, sans redistribuer les éventuels excédents à ses membres ou dirigeants.
Une organisation à but lucratif, en revanche, est créée pour générer du profit. Ce bénéfice peut être utilisé pour développer l’activité ou être redistribué aux associés ou actionnaires.
Ce qu’elles ont en commun
Quel que soit leur statut, ces structures doivent créer de la valeur : fournir un service, proposer un produit utile ou répondre à un besoin réel. Aucune ne peut fonctionner durablement sans utilité concrète pour ses bénéficiaires ou ses clients.
Responsabilité juridique
Ce qui les différencie
En France, les associations à but non lucratif disposent d’une personnalité juridique propre dès lors qu’elles sont déclarées en préfecture. Cela signifie que l’association peut agir en justice, posséder un patrimoine, signer des contrats, et surtout, que ses membres ne sont pas responsables sur leurs biens personnels, sauf en cas de faute grave ou de gestion de fait.
Côté entreprises à but lucratif, tout dépend du statut choisi. Les formes juridiques comme la SARL, SAS ou SA protègent les associés : la responsabilité est limitée au montant de leur apport. En revanche, dans une entreprise individuelle, le patrimoine personnel peut être engagé, sauf si l’entrepreneur a opté pour une protection spécifique (comme le statut d’EIRL, aujourd’hui remplacé par le statut unique d'entrepreneur individuel avec séparation de patrimoine).
Ce qu’elles ont en commun
Qu’il s’agisse d’une association ou d’une entreprise, toute structure engage sa responsabilité en cas de litige, de dette ou de faute. Mais dans la grande majorité des cas, tant que l’activité est exercée dans un cadre légal et déclaré, les dirigeants ne sont pas personnellement responsables, sauf en cas de gestion frauduleuse ou d’infraction.
Fiscalité
Ce qui les différencie
En France, les organisations à but non lucratif peuvent bénéficier d’avantages fiscaux, à condition que leur activité reste désintéressée et conforme à leur objet social. Cela peut inclure :
- L’exonération d’impôt sur les sociétés (IS),
- L’exonération de TVA, sous certaines conditions,
- Ou encore des abattements sur la taxe foncière ou la CFE.
Pour cela, l’association ne doit pas concurrencer directement le secteur commercial, et doit respecter certains critères définis par l’administration fiscale (notamment la gestion désintéressée, l’absence de distribution de bénéfices, et un fonctionnement démocratique).
À l’inverse, les entreprises à but lucratif paient des impôts sur leurs bénéfices (IS ou IR selon le statut), la TVA, la CFE, etc. Leur but est de générer du profit, et leur régime fiscal est pleinement aligné avec cette logique économique.
Ce qu’elles ont en commun
Quel que soit le statut, toute organisation peut être amenée à payer certaines taxes ou contributions, en fonction de son activité réelle. Même les associations peuvent être soumises à l’impôt si elles développent une activité commerciale régulière qui concurrence les entreprises du secteur privé.
Revenus
Ce qui les différencie
Une organisation à but non lucratif peut tout à fait générer des revenus — via des dons, des subventions, des cotisations, ou même la vente de biens et services — mais ces fonds doivent être intégralement réinvestis dans son projet associatif. L’objectif n’est pas de faire du profit personnel, mais de soutenir une cause ou un intérêt général.
En revanche, une organisation à but lucratif est créée spécifiquement pour dégager des bénéfices. Elle vend des produits ou services dans une logique commerciale, et ces revenus peuvent être redistribués aux associés ou actionnaires, ou utilisés pour développer l’entreprise.
Ce qu’elles ont en commun
Dans les deux cas, générer des revenus est indispensable pour fonctionner : payer des charges, financer des projets ou investir dans l’activité. Associations comme entreprises doivent donc proposer quelque chose de concret et utile — un service, un produit, une action — pour assurer leur pérennité.
Salariés et ressources humaines
Ce qui les différencie
En France, les associations à but non lucratif peuvent employer du personnel : coordinateurs, directeurs, intervenants, etc. Elles peuvent même avoir un président salarié, sous certaines conditions. Toutefois, les rémunérations sont souvent plus modestes que dans le secteur privé, car les ressources sont prioritairement allouées à la mission sociale de l’organisation. Certaines structures reposent aussi largement sur l’engagement bénévole.
À l’inverse, les entreprises à but lucratif recrutent dans une logique de performance économique. Elles cherchent à attirer des talents et peuvent proposer des salaires plus compétitifs, des primes ou des avantages (participation, intéressement…), avec pour objectif final la croissance et la rentabilité.
Ce qu’elles ont en commun
Toutes les organisations ont besoin de compétences humaines pour fonctionner. Qu’il s’agisse de salariés ou de bénévoles, ce sont les personnes qui font vivre la structure. La différence réside dans les moyens à disposition et dans la manière dont ces ressources sont mobilisées : au service d’une mission sociale ou d’un projet économique.
Changer de statut : est-ce possible en France ?
Passer d’un statut à but non lucratif à une activité lucrative
En France, une association ne peut pas être transformée directement en société commerciale. Si une structure associative souhaite développer une activité lucrative (au-delà de ce que permet la loi), elle doit créer une société distincte. Cela peut se faire par exemple via :
- La création d’une société commerciale par l’association (filiale),
- Une transformation en SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), dans certains cas,
- Ou la dissolution de l’association suivie de la création d’une société à but lucratif, avec transfert éventuel d’actifs, sous conditions strictes.
⚠️ Les biens, subventions ou dons reçus par l’association ne peuvent pas être transférés librement à une entreprise privée. Ils doivent être réaffectés à une structure poursuivant un objet similaire ou rendus à l’État, selon leur origine.
Passer d’un statut lucratif à une structure non lucrative
Là encore, il ne s’agit pas d’une simple transformation. Une société à but lucratif souhaitant poursuivre un objet d’intérêt général doit :
- Créer une nouvelle structure (association, fondation, etc.),
- Définir un objet social désintéressé,
- Mettre en place une gouvernance adaptée (conseil d’administration, statuts, etc.),
- Et transférer certains actifs si besoin, dans le respect des obligations fiscales et juridiques.
Ce type de transition peut répondre à une volonté de changement de modèle, d’engagement social ou d’évolution stratégique, mais il s’agit d’une démarche encadrée, qui nécessite l’accompagnement d’un juriste ou d’un expert-comptable.
Quel statut choisir pour votre projet ?
Le choix entre une structure à but lucratif ou non lucratif dépend avant tout de vos objectifs, de vos valeurs et de la finalité de votre activité.
- Si vous souhaitez agir pour l’intérêt général — dans les domaines de la solidarité, de l’éducation, de la culture ou de l’environnement — une association à but non lucratif peut être la voie la plus adaptée. Elle vous permettra de bénéficier d’un cadre légal souple, de certaines exonérations fiscales, et de mobiliser des financements publics ou des dons. En contrepartie, vous devrez respecter un encadrement strict, notamment sur la gestion des ressources et la répartition des rôles.
- En revanche, si votre ambition est de vendre des produits ou des services, de générer des revenus et de pouvoir vous rémunérer librement ou récompenser des associés, la création d’une entreprise à but lucratif (SARL, SAS, etc.) vous offrira davantage de flexibilité — y compris sur le plan fiscal, social et juridique.
Dans les deux cas, vous pouvez démarrer avec peu de moyens, mais vous devrez choisir un nom, rédiger des statuts, déclarer la structure, et établir un plan d’action clair.
FAQ : Organisation à but lucratif ou non lucratif
Les associations sont-elles exonérées d’impôts ?
Oui, une association peut bénéficier d’exonérations fiscales (impôt sur les sociétés, TVA, taxe foncière…), mais uniquement si elle respecte certains critères définis par l’administration : gestion désintéressée, but non lucratif, activité non concurrentielle, etc.
Quels sont les inconvénients d’une organisation à but non lucratif ?
Deux limites majeures :
- Elle ne peut pas distribuer ses bénéfices à ses membres.
- Elle doit consacrer l’intégralité de ses ressources à la poursuite de son objet social, avec des règles de fonctionnement souvent plus encadrées qu’en entreprise.
Une association peut-elle embaucher un président ou un directeur ?
Oui. Une association peut salarier son président ou d’autres membres de son bureau, sous conditions. Elle peut également recruter des salariés ou faire appel à des bénévoles, selon ses ressources.
Est-ce plus facile de gérer une entreprise ou une association ?
Tout dépend de vos objectifs. Une entreprise à but lucratif offre plus de liberté dans la gestion et la rémunération, mais elle est soumise à plus de pression économique. Une association a un cadre plus souple sur le plan juridique, mais des obligations spécifiques en matière de transparence et d’utilisation des fonds.
Peut-on se rémunérer dans une association ?
Oui, mais uniquement sous certaines conditions. Les membres peuvent percevoir une rémunération s’ils occupent un poste salarié réel, déclaré et conforme au droit du travail. En revanche, il est interdit de percevoir une part des bénéfices.